Jawad Skalli, études primaires et secondaires à Casablanca au Maroc, études de gestion à Montpellier en France et de sciences économiques à Rabat, au Maroc. Au cœur de la vie économique et culturelle de son pays natal, il donne le meilleur de lui pour comprendre et faire comprendre aux siens que la dignité de la personne ne se monnaye pas. Autour de lui sévit le système d’exploitation d’un régime monarchique aligné sur les mêmes références que celles de l’ancienne nation colonisatrice. Il fait carrière comme gestionnaire d’un groupe d’entreprises privées au Maroc (1973 à 1987) dans le domaine de l’édition et des arts graphiques.

Le cheminement de ce militant des droits de la personne est instructif à plus d’un titre, il en parle avec rigueur et franchise : J’ai été engagé dans l’action sociale et communautaire depuis ma toute première jeunesse. J’ai eu la chance de naître dans une période excitante
et motivante. Mon enfance était marquée par la lutte de mon pays pour son indépendance et à l’âge de 10 ans, j’ai vécu ce grand élan d’enthousiasme et de mobilisation qui a accompagné l’avènement de cette indépendance. Cet enthousiasme et cette passion de servir la communauté ne m’ont jamais quitté par la suite en dépit des désillusions et des déceptions d’une liberté et d’une indépendance confisquées par un pouvoir politique à la fois autoritaire, corrompu et incompétent.

Il y a quatorze ans, il est obligé de quitter le Maroc, Jawad Skalli reste fidèle à ses convictions : C’est tout naturellement qu’à mon arrivée au Québec en 1988, j’ai cherché à
m’impliquer dans des actions et dans des causes qui rejoignaient mes options fondamentales: justice sociale, droits et libertés, solidarité internationale et rapprochement interculturel.
Ce n’est jamais, nous le savons, la meilleure manière de devenir riche ou d’accéder, même dans une société qui prétend relayer les messages en faveur des droits humains, à des postes en vue ou simplement d’espérer gagner sa vie normalement.

Combattant pour la justice sociale, Jawad Skalli fait la dure expérience des sacrifices et des luttes contre l’édifice administratif, des embûches techniques et de tous les moyens que notre société a développé pour assurer la stabilité des intérêts économiques dominants et le statu quo d’un gris politico-social ambiant qui profite aux plus favorisés d’entre nous. Il demeure pourtant philosophe : Au niveau des réalisations, nous vivons dans un monde où les grandes
victoires ne sont que l’accumulation des petites; je n’ai rien réalisé de spectaculaire, mais je pense avoir modestement contribué à faire avancer les causes et les communautés pour lesquelles je me suis engagé. Ayant été l’un des animateurs principaux du défunt Centre d’études arabes pour le développement (CEAD) pendant une dizaine d’années, j’ai contribué à mieux faire connaître la culture, la civilisation et la réalité politique et socio-
économique du monde arabe au Québec et au Canada, J’ai posé quelques pierres dans la construction de ce pont de compréhension et de solidarité entre le monde arabe et le Québec que constituait cet organisme avant son assassinat.

Jawad Skalli consacre temps et énergie à l’éducation au civisme, à la prise de conscience des droits et devoirs que confère la citoyenneté; une forme urgente de partage avec les générations montantes et toutes les franges de notre société où le confort et l’abondance règnent. Cette démarche généreuse, il la situe dans la droite ligne de son passé de victime des injustices :

Ancien détenu d’opinion, ancienne victime de torture dans mon pays d’origine, j’ai tenu à mettre mes témoignages et le fruit de ma réflexion sur cette situation au service de ceux et celles qui se battent pour tous les détenus d’opinion et contre toutes les formes de torture: J’ai donné des dizaines d’ateliers pour Amnistie Internationale (un bien modeste retour d’ascenseur à un organisme qui a tant fait pour moi et mes camarades de détention pendant les années de noirceur que nous avons vécues), et livré d’innombrables témoignages pour motiver la masse de jeunes et de moins jeunes qui se dévouent à la lutte pour la liberté.

Jawad, comme il est souvent appelé, est la personnification de la solidarité, un mimétisme de fond, une façon pour lui de faire corps avec une société à laquelle il s’identifie. Il est entier et nous confie : Ayant été élevé dans une ambiance de lutte pour l’indépendance, j’ai éprouvé une empathie quasi spontanée avec les aspirations du peuple québécois. Je me suis impliqué également dans ce dossier, une implication non partisane (je n’ai jamais été membre d’un parti politique) qui s’est exercée, entre autres, au sein du Conseil de la souveraineté dont j’ai été un membre du conseil d’administration jusqu’à sa disparition après le dernier échec référendaire. En première ligne de l’action sociale et communautaire, Jawad Skalli est bénévole au profit de plusieurs initiatives, notamment : porte-parole d’Amnistie internationale dans la campagne pour l’élimination de la torture, membre du conseil d’administration des organismes, Parole Arabe, organisme de représentation des communautés arabes à Montréal, le Regroupement des organismes du Montréal ethnique pour le logement (ROMEL) et Baobab Familial, un organisme d’aide aux familles défavorisées.

L’avenir, il le voit avec optimisme : Le monde à venir sera nécessairement un monde
qui aura appris à tirer fierté et richesse de sa diversité. La future définition du sous-développement sera l’homogénéité et celle du progrès sera la diversité. J’ai suffisamment confiance en l’intelligence humaine pour croire que cette diversité sera de mieux en mieux vécue et que les épreuves telles que celles qui nous sont imposées par les récents événements de New York et Washington, si elles nous font traverser des moments de questionnements et de méfiance qui sont difficiles, s’éclipseront devant le sentiment grandissant de notre
appartenance conjointe à la même communauté en construction, au même projet d’avenir.