Depuis un quart de siècle, le professeur du Département des sciences sociales du Collège Ahuntsic, qui en a été le chef jusqu’en 2000, un véritable pionnier qui est arrivé au Québec il y a trente deus ans venant de Beyrouth (Liban), a placé son action sous le signe de la participation et du changement. Jean Karam est un athlète, un coureur de fond dans le secteur de l’enseignement, il n’a cessé de prendre des initiatives en faveur des jeunes, au profit de toute notre société : Pour moi la citoyenneté est importante. La citoyenneté dans le sens du rôle d’un être humain dans une société, peu importe la coloration ou la connotation qu’on veut lui donner. Toute mon action au Collège a été motivée par cette préoccupation de la citoyenneté participante. J’ai voulu informer le milieu sur ce qui se passe dans le monde. Aider la communauté collégiale à s’ouvrir sur le monde. Quand je suis arrivé en 1969, ce n’était pas évident. Le Québec était plutôt fermé. Je l’ai accepté comme tel et j’ai voulu pallier à ce manque que j’ai constaté. J’appelle ça un élément d’intégration, accepter une société et vouloir la changer. Agir pour contribuer à ce changement, agir pour que le Québec s’ouvre sur l’extérieur.

Titulaire d’une maîtrise d’enseignement, maîtrise ès-Arts en islamologie obtenue avec mention Très bien de l’Université McGill de Montréal (1971), Jean Karam qui avait déjà un diplôme en littérature arabe de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, a déployé son avidité de savoir et ouvert son champ de compétence en décrochant une maîtrise ès-Sciences en sciences politiques en 1973 de l’Université de Montréal, complété sa scolarité en doctorat, toujours en sciences politiques à l’Université de Montréal en 1975 et par la suite il a fait des études en droit à l’Université de Montréal et à l’Université du Québec à Montréal. Ce pédagogue exceptionnel a toujours consacré l’essentiel de ses énergie à la formation, à l’enseignement des langues, il a enseigné la langue arabe de 1970 à 1986 à l’Institute of Islamic Studies et au Continuing Education de l’Université McGill.

Jean Karam est un professeur, un organisateur, un homme d’équipe qui participe, qui a développé un mode de contribution au perfectionnement de l’institution, dans ce cas le Collège Ahuntsic, dans laquelle il travaille. Il est actif dans le monde de la recherche et de l’éducation, mais souvent auprès d’organismes qui ont une vocation internationale : Membre du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), du bureau de direction de la Société canadienne de sciences politiques, du bureau de la section de Montréal de l’Institut canadien des affaires internationales. Il a participé à la préparation de nombreux dossiers bibliographiques, études pour plusieurs institutions politiques canadiennes et québécoises, membre du Comité exécutif du Centre québécois des relations internationales et il a organisé pour les étudiants de nombreux voyages à New York (ONU, OEA), Bruxelles (CEE, OTAN), Paris (Francophonie, UNESCO), Washington (politique étrangère américaine).

Donnons la parole à Jean Karam, car pouvoir cerner l’action de ce castor de l’intelligence et de cet enseignant qui mise sur l’ouverture d’esprit pour les étudiants demanderait un espace considérable, tellement il a obtenu de résultats dans ce domaine avec une vision aussi novatrice. Sur la signification de son action, il dit : Essentiellement j’ai été chef de département pendant 26 ans et je m’étais fixé de faire cohabiter cinq disciplines en harmonie, de veiller à ce que tout ce beau monde s’entendent entre eux malgré leurs horizons disciplinaires différents. Également, je suis très fier d’avoir amené des étudiants à s’intéresser à la politique. Parce que des jeunes ont suivi mes cours, ils se sont dirigés vers des études en politique ou encore ils se sont engagés dans l’action politique d’une façon ou d’une autre.

Comme enseignant, je crois que si l’on se donne la peine d’encadrer nos étudiants, on a une influence majeure sur eux. Donc mon action la plus significative demeure celle que j’ai accomplie dans mon milieu. Je peux aussi vous parler de « mon bébé » Le Forum étudiant qui est une simulation des travaux parlementaires à l’Assemblée Nationale du Québec. C’est le 10e anniversaire cette année du Forum qui permet aux étudiants de niveau collégial de véritablement vivre la démocratie et ses limites.

Au cœur des enjeux de notre société, au milieu des jeunes qui sont, il le voit chaque année, ceux qui prennent le relais comme chefs de file de toutes les institutions, des mouvements sociaux, Jean Karam est en mouvement mais toujours passionné par l’expression de la démocratie. C’est appartenir à une culture du changement qu’être dans le monde de l’éducation, en première ligne avec la frange mouvante de la société que sont les jeunes de 17 à 23 ans et souvent aussi les jeunes adultes ou les adultes qui fréquentent le cégep.

Jean Karam est précis sur l’avenir des relations intercommunautaires : Ce sont des relations très fragiles. Un rien peut les remettre en cause. Ça m’inquiète. Il y a du ghettoisme qui se fait à Montréal. Là-dessus je suis plutôt pessimiste. Je n’ai pas la recette pour amener les immigrants à apprécier ce qu’il y a ici. Ni pour amener les Québécois à reconnaître l’apport des autres cultures. Ce n’est pas un sens unique. C’est cet équilibre-là qui est difficile. Au Québec on n’a pas trouvé la façon d’attirer les immigrants et de faire valoir ce qu’on a, la démocratie que l’on a. Une démocratie avec ses limites, bien sûr, mais une démocratie qui a besoin de la participation de tous ses citoyens. La tolérance légendaire des Québécois envers la diversité culturelle, ça ne peut pas être basé seulement sur le principe des deux solitudes et d’en ajouter une troisième, la solitude immigrante. Cette réponse qu’un Américain fait à un Canadien qui lui demande pourquoi il l’ignore : I don’t know and I dont care, n’est plus acceptable. C’est un devoir citoyen de s’informer, c’est un devoir citoyen de se préoccuper de la réalité de l’autre.