Je sors ce matin d’un rêve au cours duquel je me promenais, disons, je vivais dans ma ville natale, Dakar, un égarement dans un quartier résidentiel.  En effet, quel sentiment que de ne plus pouvoir retrouver son chemin et continuer à chercher sa voie dans un grand quartier au nom évocateur Liberté.  Ce secteur d’habitation développé après l’indépendance du Sénégal, dans une zone qui fut presque rurale de la capitale du Sénégal, a connu une expansion incroyable au cours des années 60 et 70, passant de Liberté I à Liberté VI.

Quel sens donner à cette métaphore de la liberté dans une promenade qui devient de plus en plus angoissante, car plus j’avançais, plus je devais questionner, demander aux passants mon chemin, et découvrir que de nombreuses résidences avaient été restaurées, changées, refaites, transformées, devenues si belles, si sophistiquées dans leur design, que je ne m’y retrouvais pas.  Voyage au cœur de ma ville natale, pérégrination personnelle, comme une balade virtuelle qui me dépayse beaucoup dans un univers familier qui est devenu étranger en apparence.

Je n’accordais pas depuis de nombreuses années, disons de moins en moins d’importance les années passant, au rêve.  Le rêve comme un détournement de la réalité, une diversion de soi de tout ce qui nous maintien rivé sur le monde immédiat.  Le rêve devenu imperceptiblement la distraction ou l’excuse parfaite pour détourner l’attention ou le faisceau de la conscience de la quotidienneté.

Est-ce que je me faisais, au fil des ans, une carapace fine ou efficace pour mettre en réserve cet appel que le rêve fait souvent à mon âme de philosophe et au passionné de psychologie et de psychanalyse que je demeure.  Le rêve comme réserve des possibles, comme monde autre, l’autre du monde qui rend le soi-disant réel possible.  Le rêve comme antidote indispensable à la prise de conscience des drames ou des folies qui habitent la vie.  Le rêve comme projet et espoir de projet, rêve au sens premier, espérance de vie meilleure, souhait de succès total de vie, rêve comme le nouveau qui déconstruit l’aspect difficile de la vie quotidienne et ouvre des espaces de plaisir et de joie.

Cet épisode attire mon attention car, depuis mon voyage en janvier 2005, au Sénégal, à Dakar où je revois proches, amis et toute la famille de base, je rêve de plus en plus au paysage de mon enfance et pense plus qu’auparavant, aux univers de la jeunesse, aux situations vécues au soleil, au bord de la mer, auprès de la mère et des parents, sur les voies de cette assurance et dans le climat de réconfort que le connu et le familial apportent au centre de la personne.

Rêver fait opérer un retour sur soi et agite les franges cachées d’un univers intime qui recèle en son sein de nombreuses virtualités de paix et de liberté, des conditions imaginaires d’harmonie et de conciliation, des leviers incroyables de potentialités presque sans limites.