(Felicia Mihali, écrivaine, journaliste et critique littéraire.)

J’ai connu Yves Alavo pour la première fois au Festival Eurofest, organisé par l’Association Rocade au printemps 2007.  Depuis, je me suis habituée à toujours le voir parmi le public qui s’intéressait à la culture de ce coin de monde et plus spécifiquement à la culture roumaine.  Je ne me suis pas empressée de faire sa connaissance, sachant qu’il travaille pour une direction quelconque à la Ville de Montréal.  Je n’aime pas les fonctionnaires. Vu ma longue expérience avec les fonctionnaires roumains, pour moi un fonctionnaire est quelqu’un qui vous refuse et qui, de plus, prend plaisir à vous dire Non.

Pour l’événement de cet automne, organisé encore une fois par Rocade, un mini-festival de films et sur la musique de Roumanie nommé Interférences, j’ai revu Yves.  Si Interférences s’est proposé de faire des ponts et des liens entre cultures et pays différents, la fidélité d’Yves prouve qu’il a bien réussi.  Par sa présence, Yves contredit l’idée qu’on se fait d’un fonctionnaire : il est plutôt quelqu’un qui vous dit Oui avec grâce, toujours de bonne humeur, souriant, essayant de mettre sur votre visage votre vrai nom, avec la bonne prononciation de plus.  Son assiduité au sein du public nous montre combien les préjugés concernant les petits pays et les petites cultures tendent à s’effacer.  Ces derniers temps, on assiste à une ouverture concernant l’identité et la spécificité des autres, des citoyennes et citoyens de la diversité, ce qui est réjouissant.

Concernant la biographie d’Yves, elle est extrêmement riche. Originaire du Sénégal (Père de la famille Royale d’Abomey au Bénin, Mère Berbère d’Algérie), il a commencé dans son pays natal par des études en philosophie, pour y enseigner un certain temps le français, l’anglais et même la religion.  Après un séjour à Paris et en Loire-Atlantique, Nantes plus exactement, où il a continué ses études en philosophie, en théologie et en sciences de l’éducation, il arrive au Québec, où il fait des études en journalisme, réussit avec succès une maîtrise en sciences de la communication à l’Université de Montréal au début des années 80. Tour à tour, aux communications à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec (1985-87), puis conseiller et stratège en communications et relations interculturelles au gouvernement du Québec (Conseil des Communautés culturelles et de l’Immigration du Québec (1988-1992), il a rédigé et pris part à la diffusion de dizaines de mémoires et avis sur les questions cruciales de l’intégration et de la participation des citoyens au développement de notre société.

Par la suite, pendant six ans il travaille comme expert au Service de formation de la Société Radio-Canada (1992-1998) et coordonne cet organisme qui organise des missions de coopération et de formation sur la scène internationale dans le cadre du programme appelé Journalisme en démocratie. Yves Alavo est aussi membre fondateur du festival du film africain et créole, Vues d’Afrique qui occupe une place importante dans le paysage culturel montréalais.

Depuis l’an 2000 il agit à titre de conseiller senior sur les questions de diversité et de développement culturel intégré auprès des instances et agences responsables de la Ville de Montréal, du Conseil des arts de Montréal avec une action terrain soutenue aux côtés du Montréal arts interculturel et avec la plupart des organismes du milieu des communautés d’origine asiatique.  Il a contribué à la création du Conseil interculturel de Montréal (enchâssé dans la Charte de Montréal), était le coordonnateur et le rédacteur de la Déclaration de Montréal sur la diversité culturelle et l’inclusion adoptée le 22 mars 2004 par le Conseil municipal de Montréal, coordonné, implanté et géré les Plans d’action locaux en relations interculturelles (PALRI) avec les arrondissements de Montréal (2002-2006).

Rédacteur de plusieurs articles et publications sur l’impact de la diversité des cultures dans la développement social, économique et politique de la région métropolitaine de Montréal, dont le Mémoire de la Ville de Montréal présenté en commission parlementaire à Québec en septembre 2006 dans le cadre de la consultation sur les stratégies de lutte à la discrimination et au racisme.

Notons que depuis les années 90, Yves Alavo est l’auteur de nombreux discours de contenu sur les enjeux stratégiques, les actions citoyennes, les politiques et programmes municipaux qui transcendent les trois dernières administrations, en 1986-90 comme vice-président du Rassemblement des citoyennes et citoyens de Montréal (RCM), depuis comme rédacteur principal sur les questions de la diversité dans le cadre des suites du Sommet de Montréal en 2002 et des principales interventions publiques à des événements métropolitains et festivals nationaux et internationaux.

Grâce à la plume et à son immense talent d’écrivain et de communicateur, Yves Alavo a interviewé, rédigé et participé à la production pour la mise en valeur de la diversité, de plusieurs dizaines de portraits (83) de personnalités montréalaises de diverses origines (Afrique et diaspora, Asie, Afrique du Nord et Moyen-Orient, Amérique centrale et du Sud, Europe centrale et de l’Est).  Ces portraits de personnalités remarquables, engagées dans leurs communautés et au sein de la société en général sont aussi des chefs de file et des pionniers dans leur domaine d’action professionnelle. Cette initiative du Programme Engagement et détermination-Témoins actuels (1999-2005) sous l’égide de Michel Drainville du Collège Ahuntsic, soutenu par le Ministère de l’Éducation du Québec, a eu de très importantes retombées auprès des grands médias et de nombreux organismes sociaux et professionnels qui s’en sont inspirés pour concevoir des séries télévisées [D’ici et d’ailleurs, Double Mixte] et aussi assurer la reconnaissance des réalisations de leurs meilleurs employés.

Dans cette foulée, mais cette fois grâce au support médiatique de magazines tels Carrefour des opinions et Réussir Ici, Yves Alavo assure une présence qualitative en contribuant à une chronique régulière qui traite de sujets rassembleurs et via la création de portraits vivants et attractifs d’artistes professionnels montréalais d’envergure mondiale qui ont révolutionné notre panorama culturel au cours des décennies présentes.

Par ailleurs, ce sont les engagements sociaux, les actions civiques et sa longue contribution comme bénévole (Centre de référence du Grand-Montréal, Centraide, Centre culturel afro-québécois, Centres communautaires et clubs socio-sportifs…)  ainsi que son rayonnement personnel au service de la société, qui lui ont valu la reconnaissance importante du Carrefour des Communautés du Québec, samedi 3 novembre 2007, dans la salle ovale de l’Hôtel Ritz Carlton.

Devant une assistance composée de 350 personnalités des milieux économique, culturel, social, tant du secteur privé que des représentants gouvernementaux, la ministre de l’Immigration et des communautés culturelles, madame Yolande James et les président du Carrefour des Communautés du Québec, ont remis à monsieur Yves Alavo une plaque et une Médaille des arts et métiers du rayonnement multiculturel.  Le certificat lui a été décerné « pour l’excellent travail réalisé dans les médias, les arts et les lettres, et le rapprochement interculturel ».

Cela dit, quel est donc le lien avec la poésie, car Yves Alavo vient de publier chez Christian Feuillette éditeur son premier recueil de poèmes, Bleu de lune et Soleil d’or? Quand je lui ai soumis la question, il m’a donné la réponse à laquelle je pensais et j’aspirais secrètement. L’écriture ne commence pas à un moment donné, l’écriture existe en nous depuis toujours, depuis la petite enfance même, lorsqu’on fait nos premiers essais de création, des essais qu’on oublie par la suite, mais qui d’une certaine manière se retrouvent plus tard dans nos pensées les plus profondes. Les poèmes qu’on trouve dans ce premier recueil ont eu une longue gestation, car ils ont été écrits pour la plupart entre 1984 et 2006.

Il ne s’agit donc pas d’un accident, mais de quelque chose qui vient de très loin. Dans ses tiroirs, il a ramassé plus de vingt-cinq cahiers avec des textes produits pendant ses longs voyages à travers le monde, des romans en ébauche, des scénarios et des pièces de théâtre qui attendent encore le temps pour qu’il se mette au travail et qu’il leur donne la forme finale. Et pourquoi a-t-il donc choisi plutôt la poésie pour débuter? Sa réponse est que la poésie est plus expressive, c’est le moyen le plus approprié pour exprimer des sentiments à l’état pur.

Ses poèmes surprennent par leur musicalité, mais cela n’a rien de surprenant : dans la tradition africaine, dont Yves est aussi le porteur, la poésie est en lien étroit avec la musique, la parole est de la musique. Je le cite : “ Le lieu où la musique rencontre la parole c’est le lieu où le nouveau peut se produire. ” Or on sait que chaque auteur rêve de ce lieu privilégié de la nouveauté, le lieu où résident les choses qui n’ont pas encore été dites.

on livre porte le nom des deux volets contenus à l’intérieur et qui s’appellent donc Bleu de Lune et Soleil d’or.  Le titre en dit long sur le style et l’imagerie de sa poésie, qui est extrêmement visuelle et très sensitive. Ses poèmes laissent tous les sens parler, à partir du regard, jusqu’au toucher. Ses vers sont hybridés par beaucoup d’influences et de styles.  Par exemple, il ne sera pas difficile de reconnaître dans certains des traces de haïku.  À chaque vers on a l’impression qu’au lieu de parler, il peint.

Le deuxième volet porte encore plus la marque de sa personnalité. Ses poèmes sont empreints de générosité, de bonté et d’ouverture. Ce genre de poésie a laissé la révolte se calmer, même lorsqu’il parle du souvenir de l’esclavagisme, du colonialisme. Yves fait partie de la nouvelle génération d’auteurs qui, sans avoir oublié les trajets des bateaux chargés d’esclaves vers l’Amérique et l’Europe en provenance de l’île de Gorée, essaient de parler autrement de ce passé. La réconciliation n’implique pas l’oubli, mais la réinterprétation des faits et la réconciliation avec le passé. Les poèmes de la deuxième partie du livre sont ancrés dans le passé spirituel de son continent, avec ses drames passés et actuels. Sa poésie est locale, mais en même temps transcontinentale, elle se nourrit de l’Afrique, mais aussi de l’Europe et du Québec.

L’auteur Yves Alavo est détenteur d’une maîtrise en sciences de la communication de l’université de Montréal, ainsi que d’une licence ès lettres d’enseignement et de philosophie de l’université de Dakar.  Yves Alavo a cumulé, au fil des années, une longue expérience de rédaction et de journalisme, tant au Sénégal qu’en France et au Canada. Œuvrant actuellement au Service du développement culturel de la Ville de Montréal, Yves Alavo est aussi, entre autres, membre fondateur du festival international du film africain et créole Vues d’Afrique. Pionnier de nombreuses associations communautaires, membre de la corporation du Centre d’études et de coopération internationale (CECI), il poursuit son engagement en solidarité chez nous et au niveau international, pour plus d’équité et de justice auprès des artistes professionnels (Diversité artistique Montréal), avec des organismes pour vaincre la pauvreté (Centre de référence du Grand-Montréal) et faire respecter les droits humains avec Journalisme en démocratie.

Auteur et poète, Yves Alavo a participé au cours de l’automne 2005, au 21e Festival international de la poésie de Trois-Rivières. Son recueil double Bleu de lune et soleil d’or est sa première œuvre littéraire publiée.

Avec l’appui des forces vives du milieu artistique montréalais, trois lancements avec signatures, dont deux récitals ont marqué la sortie de ce livre.  Le premier récital avec huit musiciens professionnels a eu lieu de concert avec la sortie du premier numéro de Réussir ici, le 15 octobre 2007 au MAI.  En présence de la famille, des amis, de collègues et des artistes.  Une expérience unique d’amour et de créativité : deux koras avec Nathalie Dussault et Zal Idrissa Sissokho, les voix des sopranos et piano (Eugène Robitaille) de Kerry-Anne Kutz, de Christine Atallah et aussi de Chantal Parent (de l’orchestre symphonique des musiciens et musiciennes du monde de Montréal), la guitare et les compositions de Céline Vincent, la trompette de Michael Cartile.  Le deuxième récital le 9 novembre 2007 dans le cadre du volet musical du Festival du film Roumain de Montréal/Québec (FFR), au Centre de créativité Le Gésu.  Soirée ouverte par une présentation de Simona Hodos, présidente fondatrice avec Daniel Bucur de l’Association Rocade et de l’EUROfest, ainsi que du FFR, une analyse du livre de la part de l’auteur, journaliste Felicia Mihali et une prestation tonique de l’auteure/compositeure et interprète Céline Vincent qui a mis en musique deux poèmes du livre et a chanté deux de ses compositions.  Enfin, le troisième lancement, avec lecture par l’auteur et séances de signatures a eu lieu cette au Salon du livre de Montréal, samedi 17 novembre 2007, de 15 h 30 à 17 h 30,  dans la salle 5 de la Mezzanine Sud de la Place Bonaventure.